Temps de lecture moyen : 4 mn

Avec sa couverture médiatique ou les rumeurs que l'on entend à son sujet, le Lean peut parfois effrayer. Quelques fois présenté comme une machine à réduire les coûts ou comme une méthodologie basée uniquement sur la performance, il est tout à fait légitime d'avoir un mauvais à priori. Pourtant, le Lean s'avère être très différent de cette croyance, et je vais essayer en toute humilité déconstruire cette idée fausse et de présenter pourquoi nous avons choisi de nous mettre au Lean chez Captive. 

1. Définition: qu'est-ce que le Lean ?

Il est très difficile de donner une définition universelle du Lean, c'est pourquoi nous allons essayer de comprendre son créateur Taichii Ohno et son intention initiale.

Taiichi Ohno, ingénieur industriel chez Toyota dans les années 40, a été une personne à la fois pragmatique et intelligente, mais également érudite et quelque peu spirituelle. Lorsqu'il a créé le "Toyota Production System" il avait pour but :

  • La satisfaction totale des clients, par la qualité optimale, le prix compétitif et le délai le plus court possible.
  • Rendre les employés heureux et les traiter avec respect. Ici on ne se limite pas à la politesse ou l'écoute, mais c'est un respect profond de la condition d'être humain, de l'intelligence, des sentiments et des limites de chacun qui se traduit par une organisation des personnes et des actions très concrètes sur le terrain
  • Réduire les gaspillages (attente, matière, gestes inutiles, etc)

Lorsque les premiers livres sur le Toyotisme par des auteurs américains et européens sont parus suite à leur visite dans les usines de Toyota, ils ont alors mis l'accent sur ce troisième point et ont survolés sur les deux premiers. La raison de ce biais s'explique à la fois par un manque de compréhension et un fort intérêt des dirigeants de l'époque pour un sujet : la rentabilité pour les actionnaires.

C'est ce qui a conduit à limiter le Toyotisme par le mot "Lean" ("maigre" en anglais) car tout ce que l'on a alors compris de la méthode Toyota était la partie visible de l'iceberg : leur incroyable productivité et rentabilité. C'est une vue très partielle de ce qu'est le Lean en réalité. 

2. Pourquoi le Lean dans la tech ?

Le monde de la tech a beaucoup changé ces dix dernières années, les clients sont plus exigeants, les applications plus complexes et les employés en recherche de bien-être et d'autonomie.

Cycle en V, Extreme Programming, Agilité, SCRUM, sont des méthodologies qui ont eu leurs heure de gloires mais elles ont selon moi leur limites car elles ont deux défauts majeurs :

  • en structurant le travail des équipes tech elles donnent une fausse impression d'organiser l'entreprise. En focalisant sur des problématiques purement techniques, on a tendance à oublier les problèmes qui sont en amont et en aval (produit, marketing, QA, etc)
  • les équipes ont souvent des difficultés à remettre en cause et adapter la méthodologie lorsque cela ne fonctionne pas, car cette méthodologie provient souvent d'une autorité (un livre, une personne, une certification) et non du terrain

La théorie du Lean va apporter très peu de réponses "prêtes à appliquer", en revanche elle va permettre de se poser les bonnes questions. Les réponses devront être trouvées soi-même à l'aide d'outils simples et éprouvés (ex: PDCA, Kanban).

C'est en cela que le Lean est "game-changer" dans la tech car il met au centre :

  • l'apprentissage continu des personnes à tous les niveaux (le fameux job = work + kaizen
  • l'amélioration de l'entreprise à partir de l'existant et non d'un modèle virtuel de ce qu'elle devrait être.

C'est pour cela que Captive a pris le pari du Lean.

3. Comment pratique-t-on le Lean chez Captive ?

Bien qu'il soit possible d'apprendre le Lean via certains ouvrages, je pense que la meilleure manière de s'y mettre est de se faire accompagner. C'est pourquoi, en tant qu'équipe dirigeante nous sommes accompagnés de notre sensei Lean Christophe Ordano.

Grâce à cet enseignement nous essayons de rester le plus proches des valeurs et du modèles de Toyota et de le transposer à notre activité. Ce modèle mental est quasiment toujours représenté par le schéma suivant  : 

TPS_House_fr

Ce schéma n’est pas un organigramme ni un moule dans lequel on souhaite faire rentrer tout le monde, mais simplement un moyen mnémotechnique, une grille de lecture sur son propre travail.

On ne cherche donc pas à l'imposer mais à l'utiliser comme un support d'entraînement pour un sportif. Ainsi, chaque pratiquant Lean doit se poser les questions suivantes :

  • En ayant ce schéma en tête, lorsque je travaille, est-ce que je me rapproche de ces valeurs idéales ou je m'en éloigne ?
  • Si je m'éloigne, en partant de la situation actuelle est-ce que je peux faire un petit pas aujourd'hui pour m'en rapprocher ?

Le Lean, un apprentissage continu dans notre métier d'agence de développement 

Plutôt qu'une méthodologie classique ou un but en soi, la pratique du Lean est la voie de l'apprentissage. Le mode de pensée du Toyota Production System est passionnant à comprendre car bien qu'en apparence logique, il repose en réalité sur de nombreux aspects contre-intuitifs (il faut aller lentement pour aller vite, il faut s'arrêter au défaut, la parole ne suffit pas il faut voir, il faut apprendre en réalisant, etc).

Le temps ou les échecs sont parfois nécessaires pour que l'on puisse un jour avoir le déclic et se dire : "Ahhh Taiichi, encore une fois t'avais raison et j'avais tort ! Mais maintenant j'ai compris...". J'imagine alors sa réponse : "En es-tu bien sûr?" accompagné d'un petit sourire moqueur...

PS: Je profite de cet article pour remercier également mon premier sensei Régis Medina qui m'a initié à la pratique du Lean. Notre rencontre a été un tournant majeur dans ma carrière.